23 avr. 2009

Fondation (1)

Q. (avec amphase) - Vous rendez-vous compte, docteur Seldon, que vous parlez d'un Empire qui existe depuis douze mille ans, qui a victorieusement subi le passage des générations et qui bénéficie de la confiance et du dévouement de milliards d'êtres humains?

R. - J'ai pleinement conscience du statut actuel de l'Empire ainsi que de son histoire passée. Sans vouloir blesser personne, je prétends connaître mieux la question que n'importe qui ici présent.

Q. - Et vous prédisez sa ruine?

R. - C'est une prédiction qui se fonde sur les mathématiques. Je ne porte aucun jugement moral. C'est une perspective que je trouve, pour ma part, fort regrettable. Quand bien même on admettait que l'Empire fût une mauvaise chose (ce dont je me garde bien), l'état d'anarchie qui suivrait sa chute serait pire encore. C'est cet état d'anarchie que mon projet se propose de combattre. Mais la chute d'un empire, messieurs, est un événement considérable, fort difficile à combattre. Elle est la conséquence inévitable du développement de la bureaucratie, de la disparition de l'esprit d'initiative, du durcissement du régime des castes, de la perte du sentiment de curiosité..., de mille autres causes possibles et imaginables. Ce phénomène est à l'oeuvre, comme je vous l'ai dit, depuis des centaines d'années et c'est un mouvement d'une ampleur trop considérable pour qu'on puisse songer à l'arrêter.

Q. - N'est-il pas évident aux yeux de tous que l'Empire n'a jamais été aussi fort?

R. - C'est bien là ce qui vous trompe : cette force n'est qu'apparence. On pourrait croire que l'Empire est éternel. Et pourtant, monsieur le procureur, jusqu'au jour où la tempête le fend en deux, un tronc d'arbre pourri de l'intérieur vous semblera plus solide que jamais. L'ouragan souffle déjà sur l'Empire. Prêtez-lui l'oreille d'un psychohistorien, monsieur le Procureur, et vous entendrez craquer les branches de l'arbre.

Extrait de : Fondation d'Isaac Asimov, pp. 48-49



Dans cet extrait du premier tome du cycle des fondations d'Asimov, on y retrouve un « psychohistorien » expliquant pourquoi la chute d'un empire vieille de douze mille ans est inévitable. Il est intéressant de comparer cet univers imaginaire créé par Asimov avec le monde réel dans lequel nous vivons. L'Empire peut alors être comparé à l'Occident, certains diront probablement « seulement les États-Unis », mais je crois que les signes démontrant la chute d'un empire sont présents partout en occident et pour cause, puisque les pays formant l'Occident ont beaucoup de points en communs. Les États-Unis en étant simplement le point névralgique et le symbole le plus puissant.

Les « psychohistoriens » imaginés par Asimov sont en quelque sorte des mathématiciens qui, à l'aide de formules mathématiques, sont capables de prédire l'avenir selon des taux de probabilité. Les mathématiques étant une science sure, Asimov a probablement voulu donner plus de crédibilité à son personnage grâce à la rigueur scientifique. Un scientifique doit prouver ses dires, et les « psychohistoriens » prouvent leurs prédictions grâce aux mathématiques. Asimov savait fort probablement qu'un historien par exemple, en se basant sur des faits du passé, peut facilement énoncer une hypothèse sur le futur d'un peuple, mais ceci reste hypothétique alors que le « psychohistorien » lui est totalement objectif et il n'a nullement besoin d'avoir recours à la morale puisque les chiffres n'en possèdent pas. C'est ce qui fait la force du personnage imaginé par Asimov. Or, dans la réalité, ce type profession n'existe pas, les intellectuels ne sont donc généralement pas pris au sérieux lorsqu'ils prédisent la fin d'un Empire, il est impossible pour eux de prouver hors de tout doute leur hypothèse. Il est également plus facile de les discréditer puisque leurs hypothèses sont souvent basées sur des jugements moraux.

Par contre, Asimov fait appel au jugement du lecteur lorsqu'il écrit ceci : « Elle est la conséquence inévitable du développement de la bureaucratie, de la disparition de l'esprit d'initiative, du durcissement du régime des castes, de la perte du sentiment de curiosité..., de mille autres causes possibles et imaginables. » Il n'y a pas de mathématiques dans cette phrase, c'est le jugement que fait Asimov d'une société sur le déclin. D'un point de vue logique personnel, je suis d'accord avec lui et il est très intéressant d'appliquer ces points sur notre société. Le mot « bureaucratie » est très souvent employé à tord, un bureaucrate étant « un employé imbu de son importance et abusant de son pouvoir sur le public », méfier vous de ceux qui utilisent ce mot pour désigner tous les employés de l'État. Asimov montre du doigt les individus qui abusent de leurs pouvoirs et ces bureaucrates sont un frein au développement d'une société saine, ce sont des êtres égoïstes et j'ai bien peur que notre gouvernement en soit rempli, notre premier ministre et nos députés en sont un bel exemple.

« La disparition de l'esprit d'initiative » et « la perte du sentiment de curiosité », ces deux points se rejoignent beaucoup, l'un pouvant être la conséquence de l'autre. Un être humain dénué de curiosité vient de diminuer considérablement ses chances d'avoir de l'initiative. Il est très facile d'observer la perte du sentiment de curiosité dans notre société, par exemple comparer les cotes d'écoute de la « Poules Aux Oeufs d'Or » à celle de l'émission « Découverte » ou les ventes d'un livre d'Hubert Reeves comparativement aux ventes des billets des Canadiens de Montréal ou encore le nombre de personnes visitant le site web du journal « Le Devoir » comparativement à ceux utilisant internet pour jouer à des jeux en ligne. Si ces exemples ne vous ont pas convaincue, je peux vous en sortir beaucoup d'autres.

Le point sur le « durcissement du régime des castes » quant à lui est un point un peu plus complexe, il faudrait écrire un texte là-dessus, mais je peux tenter de résumer le tout en quelques lignes. Notre société est séparée en plusieurs castes, les riches, les pauvres et la classe moyenne, cette dernière étant constitué du plus grand nombre d'individus. Pour qu'une société comme la nôtre puisse fonctionner, il faut que la classe moyenne vive dans des conditions acceptables afin qu'elle ne soit pas poussée à la révolte. Le durcissement du régime des castes se traduit pour nous par un plus grand écart entre les riches et les pauvres et il semble que la classe moyenne en Occident soit de plus en plus pauvre, ceci étant dû à l'inflation. De plus, les pauvres (les sans-emplois ou ceux ayant un très faible revenu) sont de plus en plus nombreux. Le sentiment de révolte augmentera au même rythme que l'écart entre les riches et les pauvres s'accroit.

Je continuerai mon analyse de l'oeuvre d'Asimov prochainement!

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