29 mars 2009

Dans la catégorie : Source D'inspiration

On s'est levés au milieu de l'après-midi. On serait restés couchés mais ça faisait une heure qu'on avait envie de pisser; on n'était plus capable de se retenir.

On a regardé dehors. Il n'y avait rien, sauf le printemps, et il ne faisait rien. On a lavé la vaiselle. Il n'y en avait pas beaucoup; ça a été vite fait. Avant, quand il ne nous restait plus rien à faire, on se creusait la tête. « C'est effrayant, la vie est entrain de nous passer sous le ney. » Maintenant on s'assoit et on reste assis tranquilles en priant le bon Dieu que ça ne change pas. « On est donc bien! » On s'est dit que ce qui nous passe sous le nez ne nous passe pas à travers le coeur. Et on s'est crus.

Nous avons parlé pour ne rien dire. Rien n'est meilleur que la vivacité de l'attention que Nicole porte aux niaiseries que je dis; et l'obligation de la reconnaissance fait que Nicole peut dire ensuite toutes les siennes sans être interrompue. Quand on manque d'inspiration, on ouvre le TV-Hebdo à la page du jour et on démolit les acteurs des films annoncés. Que c'est des plus putains que leur cul, qu'il n'y a que la gloire et l'argent qui compte pour eux, que c'est de leur faute s'il n'y a plus d'amour, que c'est eux qui l'ont dégradé en embrassant n'importe qui devant tout le monde pourvu que ça paie ou que ça les fasse connaître... Toutes ces affaires-là...

Le bon, le meilleur et le mieux c'est rien. Reste assis là et nie tout : le cigare entre tes dents, le jour dans tes yeux, la peau sous tes vêtements. Nie, nie, nie et recueille-toi comme une bombe dans chacun de tes non, et ne t'arrête jamais d'être sur le point d'éclater, et n'éclate jamais.

Extrait de : L'hiver De Force De Réjean Ducharme, pp. 30-31



Ce court passage d'un roman de Réjean Ducharme me parle beaucoup. Il raconte l'état d'esprit d'André qui est le narrateur de ce passage. J'aimerais vous faire mon interprétation de ce passage, il peut en exister plusieurs, mais voici la mienne...

André aime que les choses lui passent « sous le nez » parce que, de cette manière, elles ne lui passent pas « à travers le coeur ». En d'autres mots, ils n'osent pas s'impliquer dans quoi que se soit parce qu'il a peur de se blesser. Il en rajoute dans le troisième paragraphe, car non seulement André ne s'implique dans rien, mais par-dessus le marché, il avoue passer ses temps libres à discréditer se que les autres font. Mon but ici n'est pas de défendre les acteurs, mais de démontrer un point. Lorsque vous accomplissez quelque chose n'oubliez jamais qu'il se trouvera toujours quelqu'un quelque part pour vous critiquer, c'est un fait indéniable simplement parce qu'il existe plusieurs manières de faire une chose et qu'il n'existe pas de manière parfaite de faire une chose, MAIS le fait est que VOUS vous accomplissez quelque chose et c'est probablement ce qui rend la plupart de vos détracteurs agressifs, vous aurez accompli ce qu'ils n'ont jamais eu le courage d'accomplir. C'est particulièrement vrai dans le cas d'André qui est, jusqu'à ces pages de ce livre, l'exemple typique du bon à rien ne possédant aucune estime de soit.

Le dernier paragraphe de cet extrait est ce qu'il y a de plus beau de Réjean Ducharme, une phrase assassine. Il démontre toute la frustration que doit vivre un homme qui nie tout et qui ne fait rien. Toujours sur le point d'exploser comme une bombe à retardement dont le compteur se remet à dix lorsqu'il est rendu à zéro. L'acte ultime d'une bombe n'est-il pas son explosion? Ne serait-il pas frustrant d'être une bombe sans ne jamais pouvoir accomplir l'acte pour lequel nous sommes conçues? Cette bombe amorcée par son impuissance et sa frustration n'éclatera jamais, car André est incapable d'initiative. Il vivra donc frustré jusqu'à la fin de sa pathétique existence.

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